Interview avec La Fouine 2009-07-29


La Fouine : "Je rappe pour le cœur et pour le corps"

Article de type Interview publié dans le genre Rap Français le 29/07/2009

Le rappeur de Trappes prend de l’ampleur sur son nouvel album, Mes Repères, et n’hésite plus à citer la chanson française comme une influence majeure. Rencontre vérité avec un rappeur qui n’a pas la langue dans sa poche. En prime, découvrez le clip de Tous les mêmes !

Originaire de Trappes, une "banlieue chaude" comme disent les grands médias, La Fouine ne cache rien de son passé de délinquant et de jeune chien fou : braquages, prison, foyers, ses textes racontent un passé tendu. Mais avec ce troisième album, simplement titré Mes repères, La Fouine prend une nouvelle ampleur. Assumant son amour pour la chanson française en général et pour Jacques Brel en particulier, il n’hésite pas à chanter sur Feu rouge, et ouvre ses dix-sept morceaux à des influences variées, alternant entre des textes de Rap inconscient (un des titres du disque) et d’autres plus profonds comme Tous les mêmes. Rencontré dans les locaux de sa maison de disques à Clichy, Laouni Mouhid alias La Fouine arrive en retard, mais a laissé la langue de bois dans les vestiaires. Interview vérité, donc.




Pourquoi ouvrir l’album avec Du ferme ?
Je trouve le morceau grave novateur. Rien à voir avec le texte ou la manière de poser, c’est l’instru qui mélange ces sonorités super nouvelles avec celles d’une guitare électrique. Ça m’emmène dans une ambiance, très loin.

Ce troisième album semble plus musical. C’est un choix ?
J’ai essayé de briser tous les codes. Je suis un grand fan de Jacques Brel, Souchon, Goldman, à l’ancienne, mais aussi de soul, de nu-soul et de rap français. Mon seul mot d’ordre en entrant en studio, c’était de faire des chansons courtes avec pas trop de mots, plutôt du flow et du feeling.

Peu de textes de chansons françaises parlent de "brolic" (flingue) et de cocaïne. Toi, tu en parles...
Moi, j’ai l’impression que notre musique aujourd’hui est la même que, jadis, celle de Jacques Brel, Léo Ferré et Georges Brassens. Quand j’écoute Brel, il n’y a pas de brolic, mais je suis propulsé dans son univers. Je rencontre Frida, le café des Trois Faisans. Je connais le nom de ses amis, le nom des ruelles dans lesquelles il marchait, ce qu’il mangeait, ce qu’il buvait. Eh bien quand tu écoutes mon album, tu sais qu’à Trappes, des brolics on en a, tu connais le nom de mes potos, tu sais ce qui se vend, ce qu’on boit, où on va pour s’amuser. En écoutant cet album, tu peux savoir ce qui se passe dans la tête d’un jeune.

Tu rappes la réalité ou tu t’autorises à romancer ?
Quand je romance, comme sur Du ferme, j’emploie le “ils”. Quand je dis “je”, c’est vraiment quelque chose qui m’est arrivé. Quand je dis que j’ai été au mitard à seize ans, que j’ai été incarcéré à plusieurs reprises, que j’ai eu des gros problèmes avec la justice, c’est vrai. Je m’inspire de ce que je vis et de ce que je connais, mon quartier George Sand à Trappes.

À quel moment as-tu arrêté les conneries ?
Quand ma fille est née. La première fois que je l’ai portée dans mes bras, je me suis dit que plus jamais je ne voulais aller en prison. Depuis l’âge de quinze ans, je passe ma vie devant les tribunaux, dans des foyers. Quand je suis sorti de prison à vingt-et-un ans, je n’étais jamais allé en boîte, je n’avais jamais vraiment eu de meuf ou vu un lycée. Maintenant je veux faire des choses bien pour ma fille, mais, quand je prends le micro, j’ai toujours ces démons qui viennent me hanter. Pourtant j’arrive à faire des textes joyeux comme Feu rouge, qui est celui qui m’a donné le plus de plaisir à écrire et à enregistrer.

Tu apprécies l’autotune
C’est vrai que c’est cain-ri, mais le truc c’est qu’on kiffe. Je vois que là-bas ça a été remis au goût du jour par T-Pain, ensuite Lil Wayne et Kanye West… Je suis un kiffeur, je ne mets aucune barrière entre 'ricains et Français. Je ne me prends pas pour un 'ricain, en vrai. Pour moi, c’est du pe-ra.

Comment t’es-tu retrouvé acteur dans Banlieue 13 - Ultimatum ?
J’étais parti faire un morceau au Festival Cannes et banlieues qui se passait à Chanteloup-les-Vignes. Luc Besson est venu me voir dans les loges, il m’a dit : "J’aime bien ta tête, j’ai peut-être un rôle pour toi." Je lui ai dit que j’étais partant, ils m’ont rappelé, j’ai fait le casting et j’ai été pris. C’était une très bonne expérience. C’est un film de jeunes, mais c’est un bon film ; tu ne t’ennuies jamais, il y a des cascades de dingues. Moi, j’ai quelques apparitions vite fait, pas un gros rôle. Je ne me prends pas au sérieux. À la base, je suis un petit gars de Trappes à qui rien ne souriait.

Tu te sens à l’aise dans le conscient comme dans la provoc’ ?
Moi je suis à l’opposé d’Abd Al Malik, que je respecte. J’ai toujours vu le rap en trois parties : celui que j’écoute avec le cerveau, le rap de La Rumeur, Médine, Abd Al Malik. Celui que j’écoute avec le cœur, qui te rappelle certaines choses et te replonge dans ton enfance. Et il y a le rap pour le corps. Comme Ça fait mal ou Rap inconscient. Quand je prends le micro, c’est soit pour le cœur soir pour le corps, jamais pour le cerveau. Je laisse ça à d’autres qui le font bien mieux que moi.


Inscrivez-vous !!! Pour recevoir gratuitement et en exclusivité les meilleur articles

0 comments:

Enregistrer un commentaire